ARTEMISIA ANNUA (ARMOISE ANNUELLE) : ANTI-MALARIA ET ANTI-CANCER par Christophe BERNARD

source : https://www.altheaprovence.com/blog/artemisia-annua-armoise-annuelle-anti-malaria-et-anti-cancer/


On parle beaucoup de l’armoise annuelle ces derniers temps, Artemisia annua.

Personnellement, cela fait plusieurs années que je la cultive au jardin. C’est une plante qui m’intéresse beaucoup car elle a un fort potentiel en ce qui concerne le traitement de la malaria et probablement du cancer.

Je vais vous faire un résumé de toutes mes recherches dans cet article/vidéo.


Description botanique

L’armoise annuelle n’est pas une plante de chez nous, bien que vous la trouverez naturalisée dans certaines régions française : Provence, Languedoc-Roussillon et Vallée du Rhone en particulier (1).

C’est une plante annuelle, comme son nom l’indique, de la famille des Astéracées.

La plante peut devenir très grande. J’ai déjà eu des plantes de 2 m de haut dans mon jardin et je sais qu’elles peuvent parfois atteindre 3 m.

Et regardez comme elle se développe bien en pot aussi, on peut donc la faire pousser sur un balcon ensoleillé.

Artemisia annua - armoise annuelle

La plante a des tiges très ramifiées. Les feuilles sont très divisées.

C’est une astéracée, donc les fleurs sont en fait des capitules floraux. Ils sont petits, disons 1 à 2 mm de diamètre, de couleur jaune et ils sont localisés en grappe.

Vous trouverez tout au long de cet article des photos pour illustrer cette description.

La plante adore le plein soleil et n’a pas besoin d’une terre riche. Au contraire une terre pauvre fera très bien l’affaire.

Pas besoin de beaucoup d’eau une fois qu’elle est bien établie. Elle n’a pas l’air d’attraper de maladies, elle se ressème très facilement, c’est donc un cadeau incroyable de la nature pour une plante qui a un tel potentiel thérapeutique.


Un peu d’histoire

C’est une plante qui a un long historique d’utilisation en médecine chinoise. On la retrouve aussi en médecine ayurvédique avec une indication commune et très intéressante : on l’utilisait pour ce qu’on appelait les fièvres intermittentes.

En d’autres termes, la personne a des poussées de fièvre, puis une période sans fièvre, puis la fièvre revient, etc. La malaria crée ce type de fièvre. Donc déjà, quelques millénaires dans notre passé, on utilisait probablement l’armoise annuelle pour les infections de type malaria.

Plus récemment, nous avons eu un épisode important qui s’est produit en 1967 pendant la guerre du Vietnam. Hô Chí Minh demande de l’aide à la chine car ses soldats périssent plus de la malaria que des balles des soldats américains.

La Chine, à l’époque, avait elle aussi de gros problèmes de malaria dans ses provinces du sud. Le gouvernement décide donc de lancer un programme de recherche qu’il appelle Projet 523. Des centaines de scientifiques vont travailler dessus.

En 1969, une certaine Tu Youyou, prend la tête du projet. Vous connaissez peut-être son nom car elle a reçu le prix nobel de médecine en 2015 pour ses travaux sur l’Artemisia annua et la malaria.

À l’époque, les laboratoires pharmaceutiques du monde entier recherchaient une molécule pour combattre la malaria. En effet, la maladie devenait de plus en plus résistante à la chloroquine, un dérivé de la quinine tirée de l’écorce de quinquina.

Les labos testaient des milliers de molécules, un peu à la manière d’un rouleau compresseur, un peu au hasard, pour voir si on allait trouver la molécule miracle.

Tu Youyou, elle, s’est tourné vers la tradition et les vieux écrits. C’est comme ça qu’elle a redécouvert l’armoise annuelle. Elle a aussi remarqué que dans les régions de Chine où on utilisait la plante, il n’y avait pas de problème de malaria.

Elle va aussi extraire l’une des substances actives, l’artémisinine, la substance dont on parle le plus aujourd’hui. Et pour boucler cette histoire avec le Vietnam, les Chinois ont envoyé des stocks d’armoise annuelle aux troupes d’Hô Chí Minh est son problème de malaria fut réglé. Aussi simple que ça.

Artemisia annua - armoise annuelle


Situation actuelle

La situation aujourd’hui est un peu compliquée. Je vais essayer de vous la résumer du mieux possible.

La plante a de nombreuses propriétés, mais on va se concentrer sur 2 uniquement, les deux plus intéressantes.

➜ C’est un antipaludique redoutable. Elle détruit le parasite responsable de la maladie, le plasmodium qui circule dans le sang. Nous avons des protocoles bien établit en termes de dosage et durée, je vais vous les décrire plus bas.

➜ C’est probablement un anti-cancer efficace mais pour lequel nous avons beaucoup moins de recul et d’expérience au sujet des dosages, durée de prise, etc.

Donc je vous propose de prendre ces sujets un par un et de rentrer dans les détails.

Artemisia annua - armoise annuelle


L’artemisia terrasse la malaria

La plante contient une substance qui s’appelle l’artémisinine et qui peut être isolée aujourd’hui. Cette substance a été très étudiée.

Voici ce qu’il faut savoir :

  • L’artémisinine isolée fonctionne pour soigner la malaria ;
  • La plante entière fonctionne aussi très bien ;
  • La plante entière dans laquelle on a enlevé l’artémisinine fonctionne aussi.

J’aimerais insister sur ce dernier point car on n’en parle pas assez aujourd’hui. D’ailleurs on voit qu’une autre artemisia, l’Artemisia afra, est elle aussi très efficace contre la malaria et elle ne contient pas d’artémisinine (3).

Cela veut dire qu’une fois de plus, l’obsession sur le composant actif ne peut pas fonctionner !

On a recensé plus de 400 composants dans la plante, plus de 20 sont antipaludiques. C’est cette richesse qui fait son efficacité.

C’est cette richesse qui fait que le parasite responsable de la malaria n’arrivera pas à s’adapter comme il le fait si bien lorsqu’il n’y a qu’une molécule seule.

De plus, l’artémisinine est chère. Il faut un laboratoire pour l’extraire.

En dénigrant la plante entière et les formes simples comme l’infusion, on empêche donc les populations locales d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud de reprendre leur santé en main. Je trouve que c’est vraiment triste sachant que des enfants meurent chaque jour de la malaria.

Heureusement que les populations locales n’ont pas attendu la bénédiction des Européens et des Américains pour faire leurs propres expérimentations et voir ô combien l’infusion est efficace !

Artemisia annua - armoise annuelle

Protocole anti-malaria

L’information que je vais vous distiller provient de différentes sources :

  • ANAMED, une ONG très impliquée dans les projets sur l’artemisia ;
  • La Maison de l’Artemisia, magnifique projet français de Lucille Cornet-Vernet ;
  • Stephen Buhner aux Etats-Unis et ses recherches sur les plantes antiparasitiques.

Malaria déclarée

Voici les différentes formes que l’on peut utiliser :

➜ Infusion de plante sèche. On utilise 5 g pour un litre d’eau. On peut aussi doser un peu moins précisément lorsqu’on n’a rien pour peser et faire à la poignée, ce qui nous fait en général entre 5 et 10 g.

On laisse infuser 15 minutes à couvert. Ensuite on filtre et on boit en 3 ou 4 prises pendant la journée. Cure de 7 jours, plus longtemps n’est pas nécessaire, moins longtemps est problématique. En effet, il ne faut pas s’arrêter avant sinon il reste des parasites dans le sang.

Buhner explique que l’artémisinine est mieux extraite s’il y a des lipides. Il conseille donc d’utiliser une infusion dans du lait entier et explique que ceci va extraire 80% de l’artémisinine comparé à 25% pour l’infusion dans l’eau. Bien évidemment, dans les pays pauvres, on utilisera de l’eau tout simplement.

➜ Teinture de plante fraîche. On coupe la plante fraîche en tout petits morceaux et on utilise 200 ml d’alcool pur (alcool à 96° si possible, 80° minimum), pour 100 g de plante fraîche.

On place une pierre propre sur la plante, dans le bocal, pour que l’alcool recouvre bien la plante. On laisse macérer 2 semaines, on filtre, on presse. Les doses sont de 1 cuillère à soupe de teinture dans de l’eau 2 fois par jour pendant 7 jours (Buhner).

➜ Jus de plante fraîche, là encore pas à la portée de tout le monde car il faut un extracteur. Buhner recommande 1 cuillère à soupe du jus par jour, dans de l’eau, pendant 7 jours.

Buhner explique que le jus est 6 à 17 fois plus puissant que l’artémisinine pure. Ça fait réfléchir.

Artemisia annua - armoise annuelle

➜ Macération à froid. C’est la forme ancestrale découverte par Tu Youyou. On laisse macérer la plante dans de l’eau froide pendant plusieurs heures, ensuite on presse la plante pour extraire le plus de jus possible et on va boire dans le courant de la journée.

Buhner donne une méthode légèrement différente : on démarre avec 100 g de plante fraîche, on verse ½ litre d’eau chaude dessus (attention pas bouillante, de l’eau chaude) et on laisse macérer pendant 12 heures. Ensuite, bien presser et boire dans la journée.

Si vous voulez la méthode simple, c’est celle décrite par ANAMED et la Maison de l’Artemisia, 5 g de plante sèche pour un litre, ou une poignée, en infusion.

Résultats : la fièvre, les maux de tête, les courbatures disparaissent dès le premier ou le deuxième jour. Cela fonctionne vite et bien.

Notez  bien : Buhner recommande de faire une deuxième cure d’une semaine 2 semaines après la première cure. Donc vous faites la cure d’une semaine, vous laissez passer 2 semaines, puis vous refaites la même cure d’une semaine. Je n’ai pas trouvé pas cette recommandation dans mes autres sources, c’est une spécificité Buhner.

Efficacité : une étude sponsorisée par la Maison de l’Artemisia au Congo (2), étude randomisée en double aveugle, démontre que sous artemisia annua, le taux de guérison du paludisme est de 99,5 % !

Alors que le taux de guérison si on utilise une combinaison d’un dérivé de l’artémisinine, qu’on appelle artesunate, et d’un médicament antipaludique (traitement dit ACT) est de 79,5 %. Ça fait réfléchir, non ?

Artemisia annua - armoise annuelle

Prévention

➜ ANAMED recommande 1,25 g de plante sèche en infusion, c’est-à-dire environ une cuillère à café de plante sèche pour une tasse de 200 ml. Vous faites une infusion à couvert, vous laissez infuser 15 minutes puis vous prenez cette tasse tous les jours le matin.

Attention il faut boire toute la tasse d’un coup, vous n’étalez pas la prise tout au long de la journée sinon vous n’aurez pas assez d’effet.

Vous commencez avant le départ et vous continuez 3 semaines après votre retour.

➜ Les recommandations de la Maison de l’Artémisia sont un peu différentes. On va faire la distinction avec des personnes qui ont déjà été en contact avec la malaria, et qui ont donc une immunité plus aiguisée face à la maladie.

Pour ceux qui ont déjà été en contact avec la malaria : une infusion 2 fois par semaine pendant la saison des pluies.

Pour le touriste par contre, il faudrait plutôt prendre des doses qui tournent autour des 5 g/L en infusion, donc la dose curative, boire le litre dans la journée, de la veille du voyage jusqu’à une semaine après le retour.

Entre les 1,25 g/jour de ANAMED et les 5 g/jour de la Maison de l’Artemisia, il y a une différence significative. Le docteur Cornet-Vernet ayant une grande expérience en la matière, personnellement, si je devais faire de la prévention pour un voyage, je pense que je suivrais ses recommandations (5 g/jour).

Notez bien : le corps médical ne soutient pas ce type d’approche et vous dira de prendre des médicaments antipaludiques afin de ne pas prendre de risques.

C’est donc une approche très controversée (ça vous étonne ?) Et là je ne vais pas vous dire ce que vous devez faire, je vous dis ce que je ferais personnellement basé sur mes recherches. À vous de voir et de décider.

Notez bien : aussi bien en attaque qu’en prévention, l’efficacité du protocole va dépendre de la qualité de la plante que vous utilisez. Si vous utilisez une plante trop vieille, ou de mauvaise qualité, ça ne peut pas bien fonctionner. C’est le risque.

Et vu que la plante n’est pas autorisée à la vente en France, il est compliqué de s’en procurer aujourd’hui.

Artemisia annua - armoise annuelle


L’artemisia contre le cancer

En ce qui concerne le cancer, c’est beaucoup moins net. C’est surtout l’artémisinine qui a été étudiée.

Premièrement, nous avons de nombreuses études in vitro, c’est-à-dire hors de l’organisme, dans un tube à essai, qui montrent que l’artémisinine détruit les cellules cancéreuses de la leucémie, du cancer du sein, du cancer du colon, du cancer de la prostate, etc.

Nous avons des études sur le chien pour le cancer des os et des ganglions lymphatiques.

Je ne vais pas vous lister toutes ces études, il y en a vraiment beaucoup, faites sur de nombreux types de cellules cancéreuses.

Pour les études sur humains, hélas, pas grand-chose.

Il faut aller voir du côté des médecins qui prescrivent l’artémisinine et qui osent en parler, il n’y en a pas beaucoup je peux vous dire.

Un médecin aux États-Unis en parle, c’est le docteur Len Saputo, il est très critiqué comme vous pouvez vous en douter.

Il prescrit de 200 à 500 mg d’artémisinine par jour, 4 jours par semaine avec 3 jours de pause. Ce sont des doses plus basses que ce que l’on prendrait pour la malaria. Dans le contexte de la malaria on parle plutôt de 800 à 1200 mg d’artémisinine par jour pendant 5 à 7 jours (notez que je ne parle pas ici de plante entière mais bien d’artémisinine isolée).

Faisons le calcul pour la plante entière.

La plante sèche contient entre 0,75 % et 1,4 % d’artémisinine (Buhner), donc pour avoir 200 mg d’artémisinine, la dose basse recommandée par Saputo, il faudrait entre 14 et 25 g de plante sèche par jour, en infusion par exemple.

Mais vu que l’on a une synergie de constituants dans la plante entière, il est fort possible que des doses plus basses soient efficaces.

Donc pour résumer, on est vraiment dans le flou. Autant on est arrivé à un protocole efficace pour la malaria, autant pour le cancer on nage un peu en eaux troubles.

Personnellement, si je souffrais d’un cancer, je reviendrais à quelque chose de simple, car le simple, moi, ça me parle. Je prendrais l’infusion de la plante, probablement à des doses autour des 5 à 10 g/L en cure, probablement une semaine sur deux.

Mais cela n’engage que moi, je ne suis absolument pas en mesure de généraliser quoi que ce soit à l’heure actuelle.

Artemisia annua - armoise annuelle

Faut-il prendre du fer avec ?

Ensuite il y a toute une discussion sur la prise de fer avec l’armoise annuelle ou l’artémisinine. Il s’avère que l’artémisinine produit son effet en s’associant au fer et en créant un fort stress oxydatif qui va détruire soit la cellule cancéreuse soit le plasmodium.

Donc l’idée est de faire prendre du fer à la personne, les cellules cancéreuses en consomment (plus que les cellules saines), le plasmodium en consomme aussi au travers de l’hémoglobine, donc on essaye de saturer ces cellules en fer.

Puis l’artémisinine arrive et provoque la destruction. Logique jusque-là.

Le problème est que le fer peut aussi nourrir directement les cellules cancéreuses et le plasmodium. Donc là encore, il n’y a rien de clair.

J’aime la position du docteur Saputo que je trouve raisonnable : si la personne est en manque de fer basé sur un test sanguin, mieux vaut supplémenter car sinon l’artémisinine aura probablement du mal à faire son travail. Sinon il n’est probablement pas nécessaire de prendre du fer.

Artemisia annua - armoise annuelle


Récolte et séchage

On change maintenant de direction et on va parler de récolte.

Certains vous diront de récolter les parties aériennes juste avant la floraison. D’autres vous diront de récolter juste à la floraison car les fleurs sont elles aussi très riches en artémisinine (Buhner). Là encore pas de consensus.

Ramassez toutes les parties aériennes, même les feuilles qui vous semblent les plus vieilles et un peu sèches. En général, ces feuilles matures sont en bas de la plante et sont très riches en artémisinine, plus riches que les jeunes feuilles.

Vous enlevez les branches les plus grosses, certaines peuvent être assez costaudes, les branches n’ont aucun intérêt. Vous gardez les branchettes les plus fines, et surtout vous gardez toutes les feuilles et les fleurs si vous ramassez juste en début de floraison.

Vous faites sécher à plat sur une grille puis vous conservez dans des sacs en papier à l’abri de la lumière. Ou vous la transformez à l’état frais pour en faire une teinture par exemple, on en a déjà parlé.

Artemisia annua - armoise annuelle


Contre-indications et précautions

  • La plante crée parfois un état nauséeux, c’est assez courant ;
  • Beaucoup moins courant, certaines personnes disent avoir la tête qui tourne un peu, des petites douleurs intestinales, parfois des démangeaisons ;
  • Encore moins courant, la prise de fortes doses, et là on parle plutôt d’artémisinine, peut provoquer une inflammation du foie, donc élévation des marqueurs hépatiques ;
  • Pour la prise pendant la grossesse, basé sur mes recherches c’est plutôt contre-indiqué.
    • Nous avons une étude faite en Afrique sur 16 femmes enceintes qui ont pris l’armoise annuelle pendant leur premier trimestre et il n’y a pas eu plus de fausses couches qu’à l’accoutumée. En revanche, les études sur animaux sont plus inquiétantes, donc pour moi c’est non par principe de précaution.

Le mot de la fin

Voilà pour l’artemisia annua, plante très prometteuse.

J’espère que l’on va continuer à l’utiliser sous sa forme naturelle de plante entière, que l’on va continuer à aider les populations locales à la cultiver et à l’utiliser.

Et pour le cancer, j’espère que l’on aura un jour des protocoles plus détaillés que ce qu’on a aujourd’hui. J’ai bon espoir.

Artemisia annua - armoise annuelle


Références

(1) Voir : https://www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-6765-repartition

(2) Voir : https://www.maison-artemisia.org/Maison-Artemisia-Cliniques.pdf

(3) Lubbe A, Seibert I, Klimkait T, van der Kooy F. Ethnopharmacology in overdrive: the remarkable anti-HIV activity of Artemisia annua. J Ethnopharmacol. 2012 Jun 14;141(3):854-9. doi: 10.1016/j.jep.2012.03.024.

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